L’Hospice du Sacré-Coeur et l’Hôpital d’Youville

Rédigé par Isabelle Saratlija, stagiaire au certificat en archivistique de l’Université Laval à Québec

L’Hospice du Sacré-Cœur et l’Hôpital d’Youville, autant de noms qui désignent une des plus importantes œuvre des Sœurs de la Charité de Saint-Hyacinthe à Sherbrooke. C’est pour aider les pauvres, les malades et les orphelins que cette congrégation s’est établie dans le diocèse.  

La maison de la rue Wellington

En 1875, les Sœurs Grises s’installent au nombre de quatre dans une maison sise sur un terrain de cinq acres sur la rue Wellington en direction de Lennoxville. Cette maison et son terrain de 5 acres ont été reçus en don de la part de la Corporation Épiscopale Catholique et Romaine du Diocèse de Sherbrooke, qui en avait fait l’achat, en 1872, auprès du révérend Messire Alfred-Elie Dufresne. En contrepartie de ce don, les Sœurs Grises s’étaient engagées à y établir un hôpital, ce qu’elles firent. Celles-ci vont y œuvrer quelques années. Ce bâtiment se révèle cependant rapidement insuffisant pour combler les besoins de la population sherbrookoise en forte croissance. De plus, un chemin de fer traverse le terrain de l’hospice et nuit à la tranquillité nécessaire aux malades et aux orphelins. Les Sœurs envisagent donc de faire construire un bâtiment à la hauteur de leurs œuvres.

L’Hospice du Sacré-Cœur

En 1886, les Sœurs font l’acquisition du terrain actuel de l’Hôpital d’Youville situé sur la rue Belvédère. Bien plus vaste qu’aujourd’hui, ce terrain avait alors une superficie de 12 acres. Elles l’ont acheté à l’Eastern Townships Lands & Improvement au prix de 3638 $.

Hospice du Sacré-Coeur, [18-], SPB537.047

Les Sœurs Grises ont pour cet endroit une vision de sérénité. En 1901, au nord de la propriété, se trouve un joli bocage qui sépare presque complètement l’hôpital de la ville. Les Sœurs y font aménager, pour leurs usagers, des sentiers qui serpentent au travers des arbres et du petit ruisselet. L’été, les convalescents se rendent aux bancs qui y sont installés pour y faire de copieuses siestes sous le soleil bienfaiteur ou pour prier auprès des croix et madones. À l’est se trouvent les dépendances qui servent à héberger les patients souffrant de maladies contagieuses. Plus loin, un bâtiment sert de classe aux enfants qui leur sont confiés. Dans un autre corps de bâtiments sont établies une buanderie, des granges et une écurie. Au sud, il y a les jardins où sont cultivés des fruits et des légumes, et même du tabac, de quoi satisfaire les fumeurs de la maison.

L’Hôpital du Sacré-Cœur offre ses services à tous, à tous ceux « de la grande famille humaine », comme les Sœurs se plaisent à le dire. Cette institution se tient à jour et offre les services des plus modernes, dignes de ceux offerts dans les grandes villes. On y retrouve effectivement plusieurs médecins, chirurgiens et spécialistes pour les maladies des yeux, des oreilles, du nez et de la gorge.

Un des salles des malades de l’Hospice du Sacré-Coeur, image tirée du rapport annuel de 1902, A14,SA15/1

Au tournant du XXe siècle, Mgr LaRocque désirait que les Sœurs se concentrent davantage aux soins des malades qu’aux soins des orphelins et des personnes âgées. En 1909, les Sœurs de la Charité de Saint-Hyacinthe fondent l’Hôpital Saint-Vincent-de-Paul afin de pouvoir desservir un plus grand nombre de malades. L’Hospice du Sacré-Cœur se dédie alors aux soins des enfants et personnes âgées.

Afin de financer les soins qu’elles offrent aux malades, aux orphelins et aux personnes âgées, les Sœurs organisent diverses activités de financements tels que des quêtes et bazars, en plus de bénéficier d’allocations et de dons en argent ou en victuailles. L’une de ces activités de financement, l’œuvre de la Croquette, a débuté en 1921 et a duré jusqu’en 1960 au moins. Elle consistait à demander la charité à tous les sucriers du diocèse lorsque le temps des sucres se déclarait. Les croquettes providentielles arrivaient en sucre ou en monnaie, aux bonheurs des orphelins et vieillards.

Hospice du Sacré-Coeur de Sherbrooke avec annexe sur le chemin Belvédère, [après 1887], APB116.001

Habiles économes, les Sœurs Grises parviennent non seulement à assurer le financement de leurs activités, mais aussi à économiser au fil des ans afin de financer la construction, l’agrandissement et la modernisation de leurs bâtiments. Leurs revenus n’étaient cependant pas suffisants pour financer leurs projets de grande envergure et la congrégation devait également emprunter des sommes d’argent souvent considérables. En 1919, elles doivent emprunter 60 000 $ pour financer la construction de trois nouvelles ailes pour l’Hôpital. Ce va-et-vient d’emprunt et de remboursement n’a cessé de s’effectuer, car ce désir d’améliorations porté à l’Hôpital n’a cessé de s’opérer.

Le Pavillon d’Youville

En 1952, les Sœurs Grises ajoutent à leur établissement l’aile d’Youville qu’elles nomment ainsi en l’honneur de Marguerite d’Youville, la fondatrice de leur congrégation. Quelques années plus tard, c’est l’Hôpital en entier que portera ce nom. À partir de 1954, les malades chroniques prennent de plus en plus de place dans l’institution, si bien que les orphelins quittent l’établissement pour être placés dans des foyers nourriciers et, éventuellement, dans le pensionnat du Sacré-Cœur, lequel fermera à son tour en 1965. La loi sur les hôpitaux de 1962 pousse les Sœurs à céder leur institution à une corporation laïque. C’est en 1969 que les Sœurs cèdent l’Hôpital au Gouvernement du Québec pour une somme symbolique de 1 $. En 1996, l’Hôpital d’Youville se joint finalement à l’Institut universitaire de gériatrie de Sherbrooke. Cet établissement est aujourd’hui intégré au CIUSSS de l’Estrie – CHUS.