Rabat ou col romain ?

Écrit par Cassandra Fortin, directrice-archiviste

Nous sommes dans la soirée du jeudi 11 février 1875. L’abbé Frédérik Dignan est assis à son bureau et note les faits marquants de la journée dans son petit journal. Cette journée, passé à parler de finances, n’avait pas été particulièrement mémorable, si ce n’est de cette petite révolution : Mgr Antoine Racine quitte le rabat.

Entrée du 11 février 1875, journal personnel de l’abbé Frédéric Dignan, A7,SA1/15.

Qu’est-ce que le rabat et le col romain?

Le rabat est un ornement au cou, divisé en deux parties qui se rabattent sur le col. Il est, par exemple, toujours porté aujourd’hui sur les robes des avocats et magistrats. Le col romain, comme son nom l’indique, était porté par les membres du clergé de Rome à compter du début du 19e siècle. Il s’impose lentement à l’ensemble de l’Église, notamment sous le pontificat de Pie XII. 

Entrée du 28 décembre 1874, journal personnel de l’abbé Frédéric Dignan, A7,SA1/15.

Et à Sherbrooke?

La création du diocèse de Sherbrooke en 1874 arrive durant les débats entourant l’adoption du col romain. Si ce n’est qu’en 1875 que Mgr Taschereau, Archevêque de Québec, demande à son clergé de quitter le rabat pour le col romain, plusieurs prêtres de Sherbrooke l’ont déjà adopté. D’ailleurs, selon l’entrée du 28 décembre 1874, l’abbé Dignan écrit : « Mgr n’attend que la circulaire de l’Archevêque pour quitter le Rabat. Ce pauvre Rabat que Mr Le Grand Vicaire a toujours si beau! Et que Mgr lave quelquefois dans l’eau froide avant de se coucher! Afin d’en ôter la graisse. Il nous dit de ne plus nous en faire faire. Ils ne seront pas nombreux dans le Diocèse ceux qui auront à l’ôter. »[1].

En effet, lorsque l’on observe attentivement la mosaïque des membres du clergé du diocèse de Sherbrooke en 1874, l’on peut voir que le rabat et le col romain sont tous deux portés. Cette photographie est un beau témoin de ce moment de transition dans la modernisation de l’habit ecclésial. Cependant, cette transition ne se fait pas sans heurt. L’abbé Dignan consigne dans son journal que durant une retraite à laquelle il participait en septembre 1874, l’évêque de Saint-Hyacinthe a tenu une conférence sur ses observations sur le rabat « de sorte que tous le gardent. Hélas! »[2]. Preuve que le temps à fait son œuvre, on peut lire quelques mois plus tard, le 9 juin 1875, que « C’est aujourd’hui que le Rabat est tombé au fond de la Rivière Yamaska dans le Diocèse de Saint-Hyacinthe. »[3].

À propos du journal personnel de l’abbé Dignan

L’abbé Dignan a relaté sa vie quotidienne dans ses journaux personnels toute sa vie, jusqu’à son décès en 1895. Quatre d’entre eux sont conservés au Centre d’archives Mgr-Antoine-Racine. Ils couvrent la période entre 1874 et 1878, années durant lesquelles il a été nommé secrétaire personnel de Mgr Antoine Racine. Ces documents d’archives sont une source d’information inestimable sur les débuts du diocèse de Sherbrooke. 

Mgr Racine et les prêtres du dicèse de Sherbrooke en 1874, SPD56.001

[1] Entrée du 28 décembre 1874, journal personnel de l’abbé Frédéric Dignan, A7,SA1/15.

[2] Entrée du 11 septembre 1874, journal personnel de l’abbé Frédéric Dignan, A7,SA1/15.

[3] Entrée du 9 juin 1875, journal personnel de l’abbé Frédéric Dignan, A7,SA1/15.