Nos prêtres dans le paysage sherbrookois: Mgr Philippe-Servule Desranleau

La ville de Sherbrooke compte près de 2 400 toponymies différentes pour désigner ses rues, ses ponts et ses parcs. Parmi ces multiples toponymes, certains d’entre eux rendent hommage à quelques religieux qui ont marqué l’histoire de Sherbrooke et de ses environs.  À travers une série de six articles, de brefs portraits de quelques figures religieuses notoires derrière certains toponymes de la ville de Sherbrooke seront mis en lumière. Le cinquième article est consacré au quatrième évêque de Sherbrooke : Mgr Philippe-Servule Desranleau. 

Portrait du chanoine Philippe-Servule Desranleau, [entre 1924 et 1937], APA422.003

L’abbé Philippe-Servule Desranleau au diocèse de Saint-Hyacinthe (1909-1931)

Philippe-Servule Desranleau est né le 3 avril 1882 à Saint-Sébastien, près d’Iberville. Il a fait ses études classiques au Séminaire de Saint-Hyacinthe, puis au Grand Séminaire de Montréal.  L’ordination de ce dernier s’est déroulée le 26 juillet 1909 à Saint-Hyacinthe. Durant l’année même de son ordination, il enseigne la philosophie au Séminaire de Saint-Hyacinthe, et ce jusqu’en 1911. Ensuite, pendant deux ans, il est nommé vicaire à Saint-Hyacinthe. Le futur évêque de Sherbrooke est ensuite allé à Rome pour étudier la philosophie et le droit canonique pendant trois ans. À son retour d’Italie en 1915, il occupe plusieurs postes au sein de la cathédrale de Saint-Hyacinthe jusqu’en 1931. Au cours de  ces années, l’abbé Desranleau a notamment été curé (1926), vicaire général (1926-1931) et chancelier (1915-1931). Il quitte Saint-Hyacinthe à partir de 1931 puisqu’il est nommé curé à la paroisse Saint-Pierre de Sorel, poste qu’il occupe jusqu’en 1938.

Mgr Phillipe Desranleau, Évêque de Sherbrooke (1941-1952)

Le 24 février 1938, il est officiellement nommé évêque de Sala et coadjuteur du Sherbrooke. Le rang d’évêque coadjuteur signifie que son détendeur est le successeur désigné de l’évêque. À ce titre, il assiste ce dernier dans l’administration du diocèse. Comme Mgr Desranleau ne peut avoir le même titre d’évêque que Mgr Gagnon, il se voit attribuer plutôt un titre associé à un évêché disparu des premiers temps du christianisme. Ainsi, Mgr Desranleau est nommé évêque de Sala, bien qu’aucune charge épiscopale ne lui soit associée. C’est trois ans après cette nomination que Mgr Desranleau devient officiellement le quatrième évêque de Sherbrooke en février 1941. C’est à ce moment que le nouvel évêque abandonne définitivement son prénom Servule et interdit à quiconque de le prononcer.

Portrait de Mgr Philippe Desranleau, [après 1937], APA422.009

Au cours de son passage à Sherbrooke, Mgr Desranleau a incité de nombreuses institutions éducatives et communautés religieuses à s’implanter dans la région de l’Estrie. Par exemple, ce dernier est à l’origine de la fondation du Collège du Sacré-Cœur, dirigé par les Filles de la Charité du Sacré-Cœur de Jésus, en 1944 et de la venue des fondateurs du Mont Sainte-Anne, les Missionnaires de Mariannhill, en 1946. Mentionnons également l’arrivée des Pères Assomptionnistes pour s’occuper du sanctuaire du Sacré-Cœur de Beauvoir, plus communément appelé sanctuaire de Beauvoir, en 1948. Pour ce qui est des communautés religieuses, les Petites Sœurs de L’Assomption se sont installées à Sherbrooke en 1944, de même que les Filles de la Charité de Saint-Vincent-de-Paul dans les hôpitaux de Coaticook et d’Asbestos sont elles-mêmes arrivées dans le diocèse en 1948. C’est aussi au quatrième évêque de Sherbrooke que l’on doit la construction du Séminaire des Saints-Apôtres en 1943, dédié à la formation des prêtres. De plus, au début de son mandat, Mgr Desranleau a été le président de la Commission épiscopale, dont la mission était de trouver un moyen d’améliorer l’enseignement au primaire du catéchisme dans la province du Québec. Au terme de cette commission, une réforme du catéchisme catholique a vu le jour partout au Québec. Mgr Desranleau a été également un ardent défenseur de la cause ouvrière d’Asbestos. Il s’est grandement impliqué auprès des travailleurs de la métallurgie de Sorel en 1937, tout comme les ouvriers de l’industrie de l’amiante à Asbestos lors de la grève de 1949. Ces prises de position audacieuses, notamment sur les questions sociales, ont valu à cet évêque quelques opposants.

« Vous avez beaucoup prié depuis que vous êtes parmi nous; vous avez beaucoup travaillé, vous avez beaucoup souffert, vous avez arraché et vous avez planté, vous démoli et vous avez construit, le tout avec un zèle véritablement apostolique. Vous vous êtes fait des ennemis – et qui n’en a pas ? – mais vous vous êtes fait beaucoup plus d’amis qui ont vu en vous un symbole de cette Église du Christ ».

Lettre de Jean-Anselme Mathys à Mgr Desranleau en 1951 pour féliciter ce dernier de sa nomination au poste d’archevêque de Sherbrooke, P1002/5.3.1.

Mgr Phillipe Desranleau, premier archevêque de Sherbrooke (1951-1952)

En 1951, le diocèse de Sherbrooke est élevé au rang d’archidiocèse. Autrement dit, cela signifie que Mgr Desranleau, ainsi que ses successeurs, chapeautera désormais les diocèses de Nicolet et de Saint-Hyacinthe. C’est ainsi que, le 2 mars 1951, Mgr Desranleau est nommé le premier archevêque de Sherbrooke. Peu de temps après sa nomination, Mgr Desranleau a été victime d’un accident de voiture le 30 août 1951. Il ne s’en remettra jamais. Cependant, même en convalescence à l’hôpital, il continue à administrer le diocèse, avec l’aide de Mgr Georges Cabana, l’évêque coadjuteur de Sherbrooke. Durant cette période, l’archevêque de Sherbrooke amorce l’ouverture de la clause de la béatification de Mère Marie-Léonie en février 1952. C’est le 28 mai 1952, toujours en poste à l’archevêché de Sherbrooke, que s’éteint subitement Mgr Desranleau, laissant 33 nouvelles paroisses au diocèse de Sherbrooke.

Mgr Desranleau au milieu d’un terrain partiellement défriché au Mont St-Joseph, 5 août 1942, APA1546.006

Mgr Phillipe Desranleau : Un homme influent et ambitieux

Dans le discours que Maurice O’Bready a donné lors des funérailles de Mgr Desranleau, ce dernier mentionnait qu’au quotidien, Mgr Desranleau était une personne très influente, notamment par ses aptitudes d’orateur, de communicateur et de négociateur. Ce dernier était considéré comme un travailleur acharné. Il avait de grandes ambitions pour son diocèse et c’est avec une volonté de fer que cet homme très intelligent et cultivé a tout mis en œuvre pour y parvenir.

« Travailleur acharné, érudit, clairvoyant, autoritaire, plus soucieux des réalisations que des approbations, il a accompli dans notre diocèse une œuvre de géant, il a porté des jugements dans tous les domaines, il a prévu les besoins de l’avenir, il a mobilisé durant 15 ans les vouloirs de tous ceux qu’atteignait le rayonnement de son pouvoir ou de son prestige. […] Ce qui nous semble avoir dominé son caractère, c’est sa sainte obstination à ne servir que l’Église du Christ, à favoriser ses progrès, à défendre sa morale et ses droits.»

Extrait du discours du prêtre Maurice O’Bready lors des funérailles du Mgr Desranleau en juin 1952, Annuaire du Séminaire Saint-Charles-Borromée, Sherbrooke, vol.15, n°3, p. 381-393.  

Mgr Phillipe Desranleau dans la toponymie

Dans le paysage sherbrookois, en l’honneur du quatrième évêque et premier archevêque de Sherbrooke, il y a l’école primaire Desranleau ainsi que deux parcs publics, le parc Desranleau et le parc Philippe-Desranleau. Le parc Desranleau, officialisé le 18 août 2011, se situe à la jonction de la rue Galt Est et du chemin Galvin dans le secteur de Fleurimont, tout comme l’école primaire portant son patronyme. Cet établissement scolaire porte ce nom depuis 1966. L’école Desranleau, à son inauguration en 1956 et jusqu’en 1960, était connue sous l’appellation École d’Ascot-Nord ou École no 5, puis sous le nom d’école Cœur-Immaculé-de-Marie (1960-1966). Quant au parc Philippe-Desranleau, officialisé le 5 juin 2001, il se situe à la jonction de la 7e Avenue Sud et de la rue Chalifoux.

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Joanie Lavoie, bénévole au Centre d’archives Mgr-Antoine-Racine

Références:

Archidiocèse de Sherbrooke. Mgr Philipe Desranleau [site Web], 2020. Consulté le 20 juillet 2021. https://diocesedesherbrooke.org/fr/mgr-philippe-desranleau.

Archevêché de Sherbrooke.  Obituaire du clergé 1874-1993. Sherbrooke, Archevêché de Sherbrooke, 1994, p. 91-92.

BARIL, Gilles, dir. Une Église entre lacs et montagnes: Archidiocèse de Sherbrooke, 1874-2010. Sherbrooke, Québec, Corporation épiscopale catholique romaine de Sherbrooke, 2010, p. 60-85.

Centre d’archives Mgr-Antoine-Racine. Annuaire du Séminaire Saint-Charles-Borromée, Sherbrooke, année académique 1937-1938. vol.12, n°3, p. 447-449.

Centre d’archives Mgr-Antoine-Racine. Annuaire du Séminaire Saint-Charles-Borromée, Sherbrooke, année académique 1952-1953. vol.15, n°3, p. 381- 393.

Centre d’archives Mgr- Antoine- Racine. P1002/5.3.1, Fonds Philipe-Servule Desranleau.

DUBOIS-CAMPAGNA, Alexis. Histoire de la Commission scolaire de la Région-de-Sherbrooke: 1876-2011, 135 ans d’histoire ! Sherbrooke, Commission scolaire de la Région -de- Sherbrooke, 2012, p. 82‑83.

DUBOST, Michel. Théo: nouvelle encyclopédie catholique. Paris, Droguet-Ardan Fayard, 1989, p. 1002,1006.

Gouvernement du Québec. Commission de toponymie [site Web], 2012. Consulté le 1er juin 2021. https://toponymie.gouv.qc.ca/ct/ToposWeb/Fiche.aspx?no_seq=412752.

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