À la conquête des Cantons-de-l’Est 

Par Serge Patry, bénévole du Centre d’archives Mgr-Antoine-Racine

« Le but de la société est de promouvoir par tous les moyens jugés convenables, l’œuvre de la colonisation dans les Cantons de l’Est », tel qu’énoncé à l’article III de la constitution de la Société de colonisation de la cité de Sherbrooke. Les activités de la société commencent le 20 décembre 1880 à Sherbrooke, avec l’élection de son premier conseil d’administration composé entre autres de Mgr Antoine Racine à titre de président et de l’abbé Hubert-Olivier Chalifoux au poste de secrétaire-trésorier. Le diocèse de Sherbrooke souhaite ainsi favoriser le mouvement de colonisation chrétienne dans la région des Cantons-de-l’Est. En plus de fournir des renseignements et des conseils aux colons, la société aspire à l’implantation d’établissements religieux au sein de chaque nouvelle paroisse[1], tout en se soumettant aux dispositions de l’Acte des sociétés de colonisation. Cette loi adoptée à la Législature de Québec, le 5 avril 1869, veut encourager les sociétés nouvelles et anciennes, en leur donnant les moyens d’attirer sur les terres de la couronne les émigrés venant des autres pays, et rapatrier ceux qui ont émigré à l’étranger[2].

Extrait de la lettre de Ernest Gagnon à l’abbé Chalifoux du 8 mars 1881, P1081/1.13

Or, la rencontre du 20 décembre 1880 n’est que la première étape dans le processus pour officialiser la nouvelle société, un processus qui n’a rien d’un long fleuve tranquille. Durant environ deux mois, une correspondance assidue se déroule à coup de lettres officielles et personnelles entre l’abbé Chalifoux et Ernest Gagnon, responsable au Département de l’Agriculture et des Travaux publics pour obtenir la reconnaissance officielle. Première contrainte, il est spécifié dans l’Acte des sociétés de colonisation qu’il ne doit avoir qu’une société de colonisation dans chacune des principales villes du Québec. Or, il existe à Sherbrooke la Société de colonisation des Cantons de l’Est[3] et obligatoirement, il faut qu’elle cesse ses activités pour laisser la place à la nouvelle société, ce qui sera confirmé par M. Gagnon dans sa lettre du 15 février. Dans la même missive, il se dit conscient qu’il ne faut pas laisser trainer les choses en longueur après avoir pris connaissance de la préoccupation qu’une société anglaise pouvant avoir le même but se forme à Sherbrooke, commentaire formulé par l’abbé Chalifoux dans sa lettre du 14 février.

Dans la démarche pour l’officialisation, le premier ministre, l’Honorable Joseph-Adolphe Chapleau, doit prendre connaissance de la demande. Ensuite, elle est envoyée au greffier du Conseil exécutif avant de la faire parvenir au lieutenant-gouverneur, Monsieur Théodore Robitaille. Comme le dit si bien M. Gagnon dans sa lettre du 8 mars 1881, le traitement de la demande témoigne d’une des « glorieuses fictions du parlementarisme britannique ».

Finalement, le 8 mars 1881, l’Honorable Joseph-Adolphe Chapleau, qui est également Commissaire de l’Agriculture et des Travaux publics, signe le certificat d’existence légale de la Société de colonisation de la cité de Sherbrooke avec tous les pouvoirs et droits civils accordés par l’Acte des sociétés de colonisation.

Certificat d’existence légale de la Société de colonisation de la cité de Sherbrooke, émis le 8 ars 1881, P1081/1.14

Références

Fonds de la Société de colonisation du diocèse de Sherbrooke, Série Documents historiques et constitutifs, P1081/1.


[1] Programme de la Société de colonisation de la cité de Sherbrooke, P1081/1 29.


[2] L’Acte des sociétés de colonisation, chapitre XIV, https://www.bibliotheque.assnat.qc.ca/DepotNumerique_v2/AffichageFichier.aspx?idf=139899

[3] En conformité avec l’Acte des sociétés de colonisation, la Société de colonisation des Cantons de l’Est a reçu son certificat officiel le 2 juin 1880, P1081/1 2.