Apparition et source miraculeuse à Saint-Julien-de-Wolfestown

Par Serge Patry, bénévole au Centre d’archives Mgr-Antoine-Racine

Début de la circulaire au clergé de Mgr Antoine Racine au curé de Saint-Julien-de-Wolfestown, Sherbrooke le 4 mars 1877., A7,SA1.2.5.

Le canton de Wolfestown, proclamé officiellement en 1802, se situe au sud-ouest de Thetford-Mines[1]. Son toponyme, tout en évoquant l’histoire anglophone de la région, rend hommage au major-général James Wolfe décédé lors de la bataille des Plaines d’Abraham en 1759. En 1850, le village de Saint-Julien devient le premier lieu d’établissement de ce canton où se côtoient Canadiens français et Irlandais. La construction d’une église en 1875, remplaçant la première chapelle construite en 1859, vient concrétiser la création de la paroisse de Saint-Julien-de-Wolfestown[2].

Le canton de Wolfestown fera parler de lui dans tout le pays avec un évènement qui s’apparente aux apparitions mariales de La Salette en 1846 et de Lourdes en 1858. Le 4 mars 1877, Mgr Antoine Racine transmet au curé de Saint-Julien une lettre circulaire lui rappelant catégoriquement qu’il n’a pas autorisé les visites à une source de Wolfestown et que l’on ne doit pas croire le récit d’une fille de six ans et demi sur une soi-disant apparition dans sa paroisse. Cette communication fait suite à une lettre de l’évêque adressée aux parents de l’enfant par l’entremise du curé, le 22 janvier 1877, leur enjoignant de ne pas se servir de leur enfant pour exploiter financièrement l’eau de la source. Mgr Racine rappelle au curé que ses paroissiens ne doivent pas croire aux faux miracles et aux prétendues guérisons, et pour éviter toute supercherie, ils doivent observer les seules pratiques autorisées par l’Église[3]

Manifestement, Mgr Racine n’est pas écouté. Ainsi le 23 mars 1877, on retrouve dans la section « Notes locales » du journal Le Progrès de Sherbrooke[4] et repris le 4 avril 1877 dans les faits divers du journal Le Constitutionnel du district de Trois-Rivières[5], un article sur une source miraculeuse à Saint-Julien-de-Wolfestown. Il est mentionné que des malades de tout le pays continuent à affluer à cette source pour espérer être guéris par la petite fille de la famille Fillion, et ce malgré les avertissements de l’évêque de Sherbrooke.

L’église paroissiale de Saint-Julien-de-Wolfestown prend feu en 1904 et après maintes discussions, les paroissiens décident de la reconstruire. Prenant au sérieux le projet, le diocèse de Sherbrooke décide de confier l’élaboration des plans à son architecte de confiance, Louis-Napoléon Audet, spécialisé en architecture religieuse. Il conçoit une église monumentale éclectique qui sera érigée en 1912 sur l’emplacement original des deux églises précédentes [6]. Près de l’église, le curé Pierre-Edmond Brouillette entreprend cinq ans plus tard la construction d’un petit sanctuaire dédié à Notre-Dame-de-la-Salette. Il trouvait important d’avoir un lieu exclusif pour honorer la Vierge à Saint-Julien. Encore aujourd’hui, ce sanctuaire surnommé la « grotte » demeure accessible aux visiteurs pendant la saison estivale[7]

Saint-Julien 1863-1988, La grotte de Saint-Julien, Sherbrooke, Éditions Louis Bilodeau & Fils ltée, p.19, FP47/5.5

[1] Commission de toponymie du Québec, https://toponymie.gouv.qc.ca/ct/ToposWeb/Fiche.aspx?no_seq=67419

[2] MCC – Répertoire du patrimoine culturel du Québec, https://www.patrimoine-culturel.gouv.qc.ca/detail.do?methode=consulter&id=167474&type=bien

[3] Circulaire adressée au curé de Saint-Julien-de-Wolfestown par Mgr Antoine Racine, Mandements, lettres pastorales, circulaires et autres documents publiés dans le diocèse de Sherbrooke, « Circulaire au clergé », Sherbrooke, le 4 mars 1877, Vol. I, No. 28, p.244.

[4] Journal Le Progrès, « Notes locales et autres. », Sherbrooke, vendredi le 23 mars 1877, sur le site BAnQ, Vol III, No. 131, p. 2, consulté le 30 novembre 2024, https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/4604389

[5] Journal Le Constitutionnel, « Faits Divers », Trois-Rivières, mercredi le 4 avril 1877, sur le site BAnQ, No. 36, p. 2, consulté le 30 novembre 2024, https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/2745033?docsearchtext=le%20constitutionnel%20avril%201877

[6] MCC – Répertoire du patrimoine culturel du Québec, https://www.patrimoine-culturel.gouv.qc.ca/detail.do?methode=consulter&id=167474&type=bien

[7] Saint-Julien 1863-1988, La grotte de Saint-Julien, Sherbrooke, Éditions Louis Bilodeau & Fils ltée, p.19